L'école des commerces de l'alimentation
Pour clôturer les découvertes filières de cette année 2023, c'était au tour des CQP en crèmerie-fromagerie de partir visiter nos terroirs. Le groupe a, pour l'occasion, pris la direction du Jura. Récit...
Le comté est un fromage qui est fabriqué en coopérative où les producteurs dirigent eux-mêmes l’entreprise et mettent en commun leur lait. Seignemartin, affineur de Comté, travaille avec une quinzaine de coopératives. Vingt-cinq salariés œuvrent chaque jour pour vendre près de 1 800 meules de Comté à la semaine. Après une période de dix jours à trois semaines passés en pré-affinage au sein de la coopérative, les fromages sont réceptionnés chez l’affineur qui met en place une procédure précise.
Chez Seignemartin, les comtés blancs sont ramenés, pesés et entreposés pendant quatre mois dans une première cave dite “tempérée” qui permet au Comté d’exprimer tout son potentiel. À quatre mois (le temps d’affinage minimum dans l’appellation Comté), les meules sont sondées pour évaluer leur qualité. On constate alors une grande diversité selon les lots de chaque coopérative. Pour terminer leur affinages, les Comtés sont entreposés dans des caves froides selon des périodes variables propres à chaque produit. Ils seront néanmoins tous retournés et brossés de manière à stimuler les microflores en surface qui vont transformer l’intérieur du fromage pour l’amener au stade de maturation souhaité.
Par ailleurs, on appose sur chaque fromage une plaque ovale verte qui permet d'effectuer la traçabilité du produit. Elle indique notamment la date de fabrication, le numéro de cuve ainsi que la coopérative.
Le groupe remonte ensuite direction Septmoncel Les Molunes pour visiter une petite exploitation fermière et rencontrer Hugo, qui travaille avec sa compagne et un salarié à la Combe de Laisia. C'est dans ce lieu isolé à 1 200 m d’altitude qu'il transforme le lait de ses quinze vaches. Parmi elles, douze sont en lactation toute l’année, ce qui lui permet de produire cinq tonnes de fromage par an. La particularité de cette ferme qui existe de puis 1986 est de travailler avec la Villard de Lens, une race à faibles effectifs, mais qui est intéressante pour la transformation fromagère. Cependant, il est impossible de revendiquer une appellation pour ces fromages fabriqués dans une cuve en cuivre chauffée au bois de sapin.
La ferme privilégie la vente en direct à la ferme et via quelques AMAP.
Pour terminer cette première journée de découverte, le groupe a pu faire la connaissance de Stéphane qui collecte dans sa ferme familiale, le lait de ses soixante-cinq montbéliardes vivant au milieu de 200 hectares de prairies verdoyantes. Son lait biologique, valorisé presque deux fois plus que le prix moyen du lait en France, est livré à la coopérative du Haut-Jura qui regroupe seize producteurs. Les apprenants ont pu voir la traite du soir. Une fois collectés, les 750 litres de lait sont refroidis rapidement dans un tank à lait avant d'être descendus à la coopérative pour permettre la fabrication du matin à laquelle le groupe a assisté.
Dès son arrivée, les CQP en Crèmerie-Fromagerie peuvent observer les cuves remplies de lait qui vont permettre de produire six à huit Comtés en suivant tout un processus très précis. Maturation d'une heure, avant d'être emprésuré pendant trente minutes. Après le durcissement, le décaillage dure trois à quatre minutes. Vient ensuite le brassage durant trente minutes à 50° avant que le lait ne soit soutiré en cuve pour être mis en moule puis pressé pendant pas moins de vingt heures. Enfin, ils resteront blancs pendant une période d'une quinzaine de jours pour effectuer le pré-affinage. Ils sont alors retournés et salés avant d’être envoyés à Juraflore pour l’affinage.
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Avant son rachat en 1997, le Fort des Rousses est un fort militaire construit et occupé par Napoléon, notamment en 1841, lors de la guerre contre la Prusse. Aujourd’hui, 15 % de sa surface est utilisée pour l’affinage du fromage. C'est donc dans cette forteresse, la deuxième plus grande de France, au cœur de ses 50 000 m² de salles voutées de pierre, que reposent 200 000 meules de Comté. 90 000 séjournent dans une seconde cave à Poligny. En plein cœur du massif de Jura et de la magnifique sapinière d’Europe, le fort est l’écosystème idéal pour apporter une humidité constante et permettre l’homogénéité de l’oxygène. Le CO2 et l’ammoniac en caves conditionnent les microflores du Comté, qui par milliards vont transformer le produit.
Sur les produits qui transitent par le réseau traditionnel des crémiers-fromagers, on trouve l’étiquette “Charles Arnaud” qui renvoie au nom des producteurs. Ces derniers possèdent d'ailleurs une autre cave où l'on peut dénombrer pas moins de 80 000 morbiers. Cependant, le Fort des Rousses est également connu pour affiner les produits de la marque Juraflore qui est, quant à elle, destinée à la GMS. D'ailleurs, le groupe s'est laissé conter une petite anecdote à ce sujet... Lorsque Jean Charles Arnault venait vendre ses meules aux Halles de Paris, il remarqua que ses Comtés n'arboraient aucune étiquette, contrairement à ses concurrents. Il décida alors de donner rendez-vous à son commercial de l’époque au café de Flore pour évoquer ce sujet. Venant du Jura, la contraction Juraflore leur a bien plu et voila que c’est resté.
C'est par la visite de cette "cathédrale de comtés" que s'est achevée la découverte filière du groupe de CQP en crèmerie-fromagerie. Nul doute qu'ils en garderont de beaux souvenirs et qu'ils transmettront la passion des professionnels rencontrés à leurs clients.